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Arctangente

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2 février 2009

Un Davos comme les autres !

Bien que Davos n'est plus ce qu'il était, il ne faut pas se leurrer : Aussi bien libéralisme que capitalisme sont et resteraient là et pour un moment. Il ne faut pas prendre ses désirs pour des réalités.

Il suffit de lire les déclarations des responsables politiques dans pays qui comptent dans l'économie mondiale. Ils sont unanimes (à tord ou à raison, même si à mon avis à tord) : il s'agit d'un "dysfonctionnement" du système, des agissements de certains individus "irresponsables" et "sans scrupule" , c'est tout ! Le système lui , il ne se demandent même s'il y est pour quelque chose. Pour eux le système est bon et il n'est pas question de le remettre en question. C'est l'évidence même! Il suffit de retrouver quelques bouc émissaires par ci, de mettre en place quelques organes de contrôles par là ! quelques rustines et hop! On est reparti pour quelques décennies ...

Tant que l'état d'esprit resterait comme ça, tant que les responsables politiques préfèreraient le conservatisme rassurant à une audace indispensable rien ne changera! Le système resterait et persisterait à servir quelques heureux rentiers en faisant croire à ceux qui triment que c'est pour leur bien! Il fait miroiter à la majorité que c'est le système qu'elle a choisi de son propre chef, alors qu'il en est rien ! Et qu'elle a été plutôt conditionnée pour croire que c'est le seul système viable. Il n'y a pas de démocratie, ni de libre choix sans information plurielle et libre. A-t-on une information LIBRE, DIVERSE, et PLURIELLE ? 

On n'est pas prêt de raisonner autrement !

Le jour où l'on se déciderait à OSER réfléchir autrement, nous poser des questions à propos des choses que l'on nous présentaient comme évidentes, ce jour là les choses peuvent commencer à changer. Toutefois, d'ici là, on ne fera pas du nouveau avec du vieux.

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30 janvier 2009

Blogs du monde diplo, "carnets d'eau"

Tramway de Jérusalem : Veolia sanctionné en Suède

jeudi 22 janvier 2009, par Marc Laimé

L’ONG suédoise Diakonia a annoncé sur son site, le 20 janvier dernier, que la filiale transport de la multinationale française Veolia venait de perdre un contrat d’une valeur de 1,9 milliards d’euros à Stockholm. Ce contrat représentait le plus important appel d’offres public en cours en Europe, relatif à la gestion du métro de la capitale suédoise, pour une durée de 8 ans (« Veolia looses 3,5 billion EUR contract in Sweden » . Une importante campagne de protestation internationale semble avoir pesé sur la décision de l’autorité des transports publics municipaux de Stockholm.

Les entreprises françaises Veolia et Alstom étaient mises en cause depuis plusieurs années en raison de leur participation à un projet de construction d’un tramway à Jérusalem, comme le relatait Robert Kissous dans Le Monde Diplomatique en août 2008 (« Veolia, Alstom et le tramway de Jérusalem »).

Ce projet de tramway, destiné à relier la Jérusalem-ouest israélienne avec des colonies israéliennes illégales dans les territoires palestiniens occupés, a suscité de vives polémiques sur la politique d’éthique de Veolia. Les protestations publiques stigmatisant la multinationale viennent donc de lui valoir un revers cinglant, au moment même où l’entreprise connaît des difficultés en bourse.

L’autorité des transports publics municipaux de Stockholm (SL) a indiqué que sa décision était basée sur des facteurs commerciaux, mais le questionnement sur l’implication de Veolia dans le projet controversé de tramway à Jérusalem (le « Jerusalem light railway ») a suscité un débat intense dans les médias suédois. Le marché, d’un montant de 21 milliards de couronnes suédoises (1,9 milliard d’euros), a donc été attribué au conglomérat MTR, de Hong-Kong.

Jusqu’à la veille de sa décision le conseil municipal a en effet reçu des pétitions signées par des milliers de citoyens, exigeant qu’il choisisse un opérateur qui ne soit pas associé à des violations du droit international humanitaire.

« Ceci est un autre signe clair de l’importance pour les acteurs commerciaux de ne pas associer leur marque à des comportements anti-éthique, et en ce qui concerne les colonies illégales en territoire palestinien occupé, on peut déjà voir un mouvement des compagnies internationales qui cessent toute activité dans les colonies », a déclaré M. Joakim Wohlfeil, représentant de l’ONG suédoise Diakonia.

SOURCE

22 janvier 2009

Robert Fisk

Robert Fisk: So, I asked the UN secretary general, isn't it time for a war crimes tribunal?

Mr Ban said it would not be up to him to launch a war crimes tribunal. It was pathetic

Monday, 19 January 2009 

It's a wrap, a doddle, an Israeli ceasefire just in time for Barack Obama to have a squeaky-clean inauguration with all the world looking at the streets of Washington rather than the rubble of Gaza. Condi and Ms Livni thought their new arms-monitoring agreement – reached without a single Arab being involved – would work. Ban Ki-moon welcomed the unilateral truce. The great and the good gathered for a Sharm el-Sheikh summit. Only Hamas itself was not consulted. Which led, of course, to a few wrinkles in the plan. First, before declaring its own ceasefire, Hamas fired off more rockets at Israel, proving that Israel's primary war aim – to stop the missiles – had failed. Then Cairo shrugged off the deal because no one was going to set up electronic surveillance equipment on Egyptian soil. And not one European leader travelling to the region suggested the survivors might be helped if Israel, the EU and the US ended the food and fuel siege of Gaza.

After killing hundreds of women and children, Israel was the good guy again, by declaring a unilateral ceasefire that Hamas was certain to break. But Obama will be smiling on Tuesday. Was not this the reason, after all, why Israel suddenly wanted a truce?

Egypt's objections may be theatre – the US spent £18m last year training Egyptian security men to stop arms smuggling into Gaza and since the US bails out Egypt's economy, ignores the corruption of its regime and goes on backing Hosni Mubarak, there's sure to be a "compromise" very soon.

And Hamas has had its claws cut. Israel's informers in Gaza handed over the locations of its homes and hideouts and the government of Gaza must be wondering if they can ever close down the spy rings. Hamas thought its militia was the Hizbollah – a serious error – and that the world would eventually come to its aid. The world (although not its pompous leaders) felt enormous pity for the Palestinians, but not for the cynical men of Hamas who staged a coup in Gaza in 2007 which killed 151 Palestinians. As usual, the European statesmen appeared hopelessly out of touch with what their own electorates thought.

And history was quite forgotten. The Hamas rockets were the result of the food and fuel siege; Israel broke Hamas's own truce on 4 and 17 November. Forgotten is the fact Hamas won the 2006 elections, although Israel has killed a clutch of the victors.

And there'll be little time for the peacemakers of Sharm el-Sheikh to reflect on the three UN schools targeted by the Israelis and the slaughter of the civilians inside. Poor old Ban Ki-moon. He tried to make his voice heard just before the ceasefire, saying Israel's troops had acted "outrageously" and should be "punished" for the third school killing. Some hope. At a Beirut press conference, he admitted he had failed to get a call through to Israel's Foreign Minister to complain.

It was pathetic. When I asked Mr Ban if he would consider a UN war crimes tribunal in Gaza, he said this would not be for him to "determine". But only a few journalists bothered to listen to him and his officials were quickly folding up the UN flag on the table. About time too. Bring back the League of Nations. All is forgiven.

What no one noticed yesterday – not the Arabs nor the Israelis nor the portentous men from Europe – was that the Sharm el-Sheikh meeting last night was opening on the 90th anniversary – to the day – of the opening of the 1919 Paris peace conference which created the modern Middle East. One of its main topics was "the borders of Palestine". There followed the Versailles Treaty. And we know what happened then. The rest really is history. Bring on the ghosts.

SOURCE

22 janvier 2009

Quant la lâcheté se cache derrière l'humanitaire

On peut avoir du génie, même dans la médiocrité ! Chose, je vous l'accorde fort surprenante.


Pour s'en convaincre, il suffit d'observer la panoplie d'excuses, initiatives et déclaration que Arabie Saoudite et Égypte ont inventé pour esquiver toute initiative sérieuse, visant à arrêter les agressions israélienne contre les palestiniens à Gaza. Il faut alors se reporter au dernier sommet économique arabe au Koweït, aux décisions prises et au cheminement qui a conduit à cela :


- Le 27/ 12 / 2008 : Israël lance une offensive aérienne contre la bande de Gaza. Un grand nombre de civils femmes et enfants compris, tombent sous les bombardement massifs. L'Égypte ferme hermétiquement la frontière avec Gaza ne laissant aux civil aucune possibilité de se réfugier sur son territoire. Le 03/01/2009 : début de l'offensive terrestre.


- Égypte et Arabie saoudite refusent la tenue d'un sommet extraordinaire de la ligue arabe. Ces deux pays font pression de tout leur poids pour inciter d'autres pays à ne pas y participer. Ils déclarent vouloir que la situation à Gaza ne soit discutée qu'en marge du sommet économique au Koweït programmé le 19 janvier 2009. Cette latence a clairement pour objectif d'empêcher toute prise de décision arabe commune donc les engageant.


- Traiter une situation d'urgence, en trainant des pieds et à la marge d'un somment économique en dit long sur l'absence de réelles volontés de s'impliquer POLITIQUEMENT et d'assumer leurs rôles.


- Le sommet économique, qui par hasard, ne s'est tenu, qu'après arrêt des agressions vient d'accoucher d'une souris : Au lieu de prise de position politique claire, ou au moins de prise de décisions visant à empêcher le renouvellement des agressions, Arabie Saoudite et Koweït promettent des milliards de dollars pour la « reconstruction »


- La question se pose alors : l'aide économique peut-elle remplacer l'engagement politique ?! Les millions de dollars peuvent-ils effacer la peine des enfants qui ont perdu leur mère ou leur frère et sœurs ? Peuvent-ils réparer les séquelles physique et psychologiques causées par l'agression , agressions qui quelque par se sont poursuivi grâce ou à cause des attitudes égyptienne et saoudienne?


- Par ailleurs on peut observer qu'il est beaucoup plus facile à certains régimes de s'engager sur un plan « humanitaire » que sur un plan « politique ». Cela n'engage à rien, et permet même de faire son auto-promotion. Il est sûr que l'on ne risque rien , ni de fâcher aucune capitale, en refusant de prendre une position politique et en se restreignant à l'humanitaire. Cette proéminence de la « reconstruction » et de « l'humanitaire » aurait été compréhensible si le territoire avait été touché par cyclone, une tempête, un séisme ou autre catastrophe naturelle non prévisible et contre laquelle personne ne peut grande chose. Toutefois là, il s'agit bien d'un agression volontaire, préméditée, préparée et exécutée avec la ferme intention de faire le maximum de victime. On peut alors prendre des position et des décisions afin que cela ne se reproduise pas. Ou au moins, faire en sorte que le prix politique d'une pareille aventure soit important. Or là, c'est plutôt le contraire que l'on fait. On envois à l'agresseur le message « tu peux y aller, je vais payer les pansements derrière roi »


- Même cette reconstruction a été l'occasion pour ce ces pays arabes favorisent encore plus les dissensions politique palestiniennes. « A qui cette aise promise doit-elle être versée? Au gouvernement démocratiquement élu ou à un président, dont le mandat vient de se terminer? »

20 janvier 2009

Libérer les Palestiniens des mensonges de Bernard-Henri Lévy

Libérer les Palestiniens des mensonges de Bernard-Henri Lévy

samedi 10 janvier 2009, par Alain Gresh

Il manquait encore sa voix dans le débat. Il vient enfin de s’exprimer dans un texte exemplaire paru dans Le Point, « Libérer les Palestiniens du Hamas ». Exemplaire ? oui, car, comme celui d’André Glucksmann, il résume tous les mensonges, toute la mauvaise foi de ceux qui pensent que, au-delà de telle ou telle erreur, la politique d’Israël doit être défendue contre ses ennemis, contre les barbares qui menacent de le submerger. Ce bloc-note mérite donc une analyse de texte détaillée (je mets en gras les citations de BHL).

« N’étant pas un expert militaire, je m’abstiendrai de juger si les bombardements israéliens sur Gaza auraient pu être mieux ciblés, moins intenses. » 

Etrange argument. Il n’est pas nécessaire d’être un spécialiste militaire pour savoir si des actions violent ou non le droit international : un philosophe pourrait faire l’affaire... Car les déclarations confirmant ce viol sont multiples.

« N’ayant, depuis des décennies, jamais pu me résoudre à distinguer entre bons et mauvais morts ou, comme disait Camus, entre “victimes suspectes” et “bourreaux privilégiés”, je suis évidemment bouleversé, moi aussi, par les images d’enfants palestiniens tués. »

« Cela étant dit, et compte tenu du vent de folie qui semble, une fois de plus, comme toujours quand il s’agit d’Israël, s’emparer de certains médias, je voudrais rappeler quelques faits. » 

Bien sûr, personne, ne peut accepter la mort d’un enfant, où qu’il soit, mais admirez le « cela étant dit »... qui laisse supposer que cette mort s’explique par le contexte.

« 1. Aucun gouvernement au monde, aucun autre pays que cet Israël vilipendé, traîné dans la boue, diabolisé, ne tolérerait de voir des milliers d’obus tomber, pendant des années, sur ses villes : le plus remarquable dans l’affaire, le vrai sujet d’étonnement, ce n’est pas la “brutalité” d’Israël — c’est, à la lettre, sa longue retenue. » 

Il suffit de comparer le nombre de morts palestiniens et israéliens (avant les combats actuels) pour mesurer la « longue retenue ». En réalité, les bombardements sur Gaza n’ont jamais cessé, sinon pendant le cessez-le-feu signé le 19 juin 2008. Et que dire de la « longue retenue » des Palestiniens qui vivent sous occupation depuis 40 ans... Car, il faut le rappeler, l’origine de la résistance ce n’est ni le Fatah, ni l’OLP ni le Hamas, mais l’occupation, qui suscite toujours la résistance.

« 2. Le fait que les Qassam du Hamas et, maintenant, ses missiles Grad aient fait si peu de morts ne prouve pas qu’ils soient artisanaux, inoffensifs, etc., mais que les Israéliens se protègent, qu’ils vivent terrés dans les caves de leurs immeubles, aux abris : une existence de cauchemar, en sursis, au son des sirènes et des explosions — je suis allé à Sdérot, je sais. »

Bernard-Henri Lévy est allé à Sdérot (alors qu’en Géorgie, il a pu écrire des affabulations sur des lieux où il ne s’était jamais rendu), on n’en doute pas. Mais est-il jamais allé à Gaza ? A-t-il vu dans quelles conditions vivent les Palestiniens, depuis des dizaines d’années ? Interviewée par la télévision, une habitante de Gaza, à qui l’on demandait si elle rendait le Hamas responsable de ce qu’elle subissait, répondait en substance : il y avait des bombardements avant l’arrivée du Hamas et il y en aura après ; tout cela n’est que prétexte.

« 3. Le fait que les obus israéliens fassent, à l’inverse, tant de victimes ne signifie pas, comme le braillaient les manifestants de ce week-end, qu’Israël se livre à un “massacre” délibéré, mais que les dirigeants de Gaza ont choisi l’attitude inverse et exposent leurs populations : vieille tactique du “bouclier humain” qui fait que le Hamas, comme le Hezbollah il y a deux ans, installe ses centres de commandement, ses stocks d’armes, ses bunkers, dans les sous-sols d’immeubles, d’hôpitaux, d’écoles, de mosquées-efficace mais répugnant. » 

Ce qui est répugnant, c’est la disproportion des forces. Comme le dit le philosophe (un vrai, celui-là) Michael Walzer, que j’ai déjà cité, « le tir au pigeon n’est pas un combat entre combattants. Lorsque le monde se trouve irrémédiablement divisé entre ceux qui lancent les bombes et ceux qui les reçoivent, la situation devient moralement problématique ».

Quant au fait que les combattants du Hamas se terrent dans les écoles ou les mosquées, il s’agit souvent de pure propagande, comme le prouve l’exemple de l’école de l’Unrwa bombardée par l’armée israélienne. Chaque fois que des observateurs neutres ont pu se rendre sur place, ils ont constaté que les allégations israéliennes étaient mensongères. On comprend que le gouvernement israélien refuse l’entrée du territoire aux journalistes étrangers.

D’autre part, rappelons que Gaza est un tout petit territoire, avec la plus forte densité de population au monde. Où sont censés s’installer les combattants ? Doivent-ils aller au-devant des troupes israéliennes pour servir de cible ? Qui pourrait reprocher aux insurgés parisiens de 1848 ou de 1870 d’avoir construit des barricades dans les rues de la capitale ? Et je rajoute, comme le fait dans un magnifique texte daté du 10 janvier, le militant pacifiste israélien Uri Avnery, « How many divisions? »

« Il y a soixante-dix ans, durant la seconde guerre mondiale, un crime haineux a été commis dans la ville de Leningrad. Durant plus d’un millier de jours, un gang d’extrémistes appelé "l’armée rouge" a tenu en otage des millions d’habitants de la ville, et provoqué des représailles de la Wehrmacht allemand en se cachant au milieu de la population. Les Allemands n’avaient pas d’autre choix que de bombarder la population et d’imposer un blocus total provoquant la mort de centaines de milliers de personnes. (…) Voilà ce qu’on aurait pu lire dans les livres d’histoire si les Allemands avaient gagné la guerre. »

« 4. Entre l’attitude des uns et celle des autres il y a, quoi qu’il en soit, une différence capitale et que n’ont pas le droit d’ignorer ceux qui veulent se faire une idée juste, et de la tragédie, et des moyens d’y mettre fin : les Palestiniens tirent sur des villes, autrement dit sur des civils (ce qui, en droit international, s’appelle un “crime de guerre”) ; les Israéliens ciblent des objectifs militaires et font, sans les viser, de terribles dégâts civils (ce qui, dans la langue de la guerre, porte un nom — “dommage collatéral” — qui, même s’il est hideux, renvoie à une vraie dissymétrie stratégique et morale). » 

Dissymétrie stratégique ? Incontestablement. Un dirigeant du FLN algérien Larbi Ben M’hidi, arrêté durant la bataille d’Alger en 1957 (puis assassiné), et à qui des journalistes français reprochaient d’avoir posé des bombes dans des cafés, répondait : « Donnez-moi vos Mystère, je vous donnerai mes bombes ». Si placer des bombes dans un café est condamnable, que faut-il dire des bombes larguées d’un avion sur des populations civiles ?

Dissymétrie morale ? Les punitions collectives infligées depuis des années à Gaza sont, selon Richard Falk, envoyé des Nations unies dans les territoires palestiniens, « un crime contre l’humanité ». Que dire alors de ce qui se passe depuis...

Parlant de ses négociations avec le gouvernement sud-africain et de ses demandes d’arrêter la violence, Nelson Mandela écrit : « Je répondais que l’Etat était responsable de la violence et que c’est toujours l’oppresseur, non l’opprimé, qui détermine la forme de la lutte. Si l’oppresseur utilise la violence, l’opprimé n’aura pas d’autre choix que de répondre par la violence. Dans notre cas, ce n’était qu’une forme de légitime défense. » (Nelson Mandela, Un long chemin vers la liberté, Livre de Poche, p. 647)

« 5. Puisqu’il faut mettre les points sur les i, on rappellera encore un fait dont la presse française s’est étrangement peu fait l’écho et dont je ne connais pourtant aucun précédent, dans aucune autre guerre, de la part d’aucune autre armée : les unités de Tsahal ont, pendant l’offensive aérienne, systématiquement téléphoné (la presse anglo-saxonne parle de 100 000 appels) aux Gazaouis vivant aux abords d’une cible militaire pour les inviter à évacuer les lieux ; que cela ne change rien au désespoir des familles, aux vies brisées, au carnage, c’est évident ; mais que les choses se passent ainsi n’est pas, pour autant, un détail totalement privé de sens. » 

Ce que notre « philosophe » oublie, c’est qu’Israël, qui appelle les gens à quitter leur maison, ne les laisse pas vraiment aller ailleurs. Le Haut-commissaire pour les réfugiés remarquait que c’était le seul conflit du monde où on interdisait aux populations civiles de quitter leur territoire. Et ceux qui se réfugient dans des lieux soi-disant sûrs sont victimes des bombardements, comme les 40 civils tués dans une école de l’Unrwa. On peut noter que, selon Chris Gunness, le porte-parole de l’Unrwa, l’armée israélienne a reconnu qu’aucun tir n’était venu de cette école.

Un indice, parmi tant d’autres, du comportement de l’armée israélienne est donné par le CICR, qui fait, en général, preuve d’une grande réserve.

« Dans l’après-midi du 7 janvier, quatre ambulances du Croissant-Rouge palestinien et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont réussi à obtenir pour la première fois l’accès à plusieurs maisons touchées par les bombardements israéliens dans le quartier de Zeitoun, à Gaza. »

« Le CICR avait demandé depuis le 3 janvier que les ambulances puissent accéder à ce quartier en toute sécurité, mais il n’a obtenu l’autorisation des Forces de défense israéliennes que l’après-midi du 7 janvier.Dans une des maisons, l’équipe du CICR et du Croissant-Rouge palestinien a découvert quatre petits enfants à côté de leurs mères respectives, mortes. Ils étaient trop faibles pour se lever tout seuls. Un homme a également été trouvé en vie, trop faible pour se mettre debout. Au total, au moins 12 corps gisaient sur des matelas. »

« Dans une autre maison, l’équipe de secours du CICR et du Croissant-Rouge palestinien a découvert 15 survivants de l’attaque, dont plusieurs blessés. Dans une troisième maison, l’équipe a trouvé trois autres corps. Des soldats israéliens occupant un poste militaire à 80 mètres de cette maison ont ordonné à l’équipe de secours de quitter la zone, ce qu’elle a refusé de faire. Plusieurs autres postes des Forces de défense israéliennes se trouvaient à proximité, ainsi que deux tanks. »

« “Cet incident est choquant, a déclaré Pierre Wettach, chef de la délégation du CICR pour Israël et les territoires palestiniens occupés. Les militaires israéliens devaient être au courant de la situation, mais ils n’ont pas porté secours aux blessés. Ils n’ont pas non plus fait en sorte que le CICR ou le Croissant-Rouge palestinien puissent leur venir en aide.” »

(...)

« Le CICR a été informé que davantage de blessés avaient trouvé refuge dans d’autres maisons détruites du quartier. Il demande à l’armée israélienne de lui permettre immédiatement, ainsi qu’aux ambulances du Croissant-Rouge palestinien, d’accéder en toute sécurité à ces maisons et de chercher d’autres blessés. Les autorités israéliennes n’ont toujours pas confirmé au CICR qu’elles lui autoriseraient l’accès. »

« Le CICR estime que dans le cas présent, l’armée israélienne n’a pas respecté son obligation de prendre en charge les blessés et de les évacuer, comme le prescrit le droit international humanitaire. Il juge inacceptable le retard avec lequel l’accès a été donné aux services de secours. »

On pourra aussi regarder le témoignage bouleversant d’un médecin norvégien, Mads Gilbert, pris sous les bombes. Lire aussi le décryptage en français : « C’est une guerre totale contre la population civile palestinienne ».

« 6. Et quant au fameux blocus intégral, enfin, imposé à un peuple affamé, manquant de tout et précipité dans une crise humanitaire sans précédent (sic), ce n’est, là non plus, factuellement pas exact : les convois humanitaires n’ont jamais cessé de passer, jusqu’au début de l’offensive terrestre, au point de passage Kerem Shalom ; pour la seule journée du 2 janvier, ce sont 90 camions de vivres et de médicaments qui ont pu, selon le New York Times, entrer dans le territoire ; et je n’évoque que pour mémoire (car cela va sans dire-encore que, à lire et écouter certains, cela aille peut-être mieux en le disant...) le fait que les hôpitaux israéliens continuent, à l’heure où j’écris, de recevoir et de soigner, tous les jours, des blessés palestiniens. » 

Ce qui est difficile, quand on est philosophe, c’est de se renseigner et de descendre du ciel abstrait des idées pour s’intéresser au concret. Le nombre de camions qu’il indique est absolument dérisoire quand on connaît les besoins de Gaza. Normalement, il transite 500 camions par jour pour nourrir la population ; le blocus israélien ayant commencé dès le 5 novembre (après qu’Israël eut rompu la trêve en intervenant directement à Gaza), il n’est passé que 23 camions au cours du mois de novembre. Et ce blocus s’est intensifié avant les combats : la population était affamée et les hôpitaux sous-équipés. Que quelques dizaines de camions aient pu passer après, grâce à quelques déclarations fortes des Nations unies, ne change pas la situation.

« Très vite, espérons-le, les combats cesseront. Et très vite, espérons-le aussi, les commentateurs reprendront leurs esprits. Ils découvriront, ce jour-là, qu’Israël a commis bien des erreurs au fil des années (occasions manquées, long déni de la revendication nationale palestinienne, unilatéralisme), mais que les pires ennemis des Palestiniens sont ces dirigeants extrémistes qui n’ont jamais voulu de la paix, jamais voulu d’un Etat et n’ont jamais conçu d’autre état pour leur peuple que celui d’instrument et d’otage (sinistre image de Khaled Mechaal qui, le samedi 27 décembre, alors que se précisait l’imminence de la riposte israélienne tant désirée, ne savait qu’exhorter sa “nation” à “offrir le sang d’autres martyrs” — et ce depuis son confortable exil, sa planque, de Damas...). » 

Rappelons, encore une fois, que c’est l’armée israélienne qui, dans la nuit du 4 au 5 novembre, a violé le cessez-le-feu par une incursion qui a provoqué la mort de quatre Palestiniens. Et que, d’autre part, Israël n’a jamais respecté une des clauses de l’accord qui était l’ouverture des points de passage entre Israël et Gaza, contribuant ainsi à affamer la population.

Mais, surtout, qu’est-ce qui empêche la signature de la paix ? Rappelons que, pendant plusieurs années, les dirigeants israéliens ont affirmé que le seul obstacle à un accord était Yasser Arafat. Après sa mort, Mahmoud Abbas (Abou Mazen) a été élu. Il a été salué en Israël, aux Etats-Unis et en Europe comme un dirigeant modéré. Cela fait quatre ans qu’il est président, cela fait quatre ans qu’il négocie au nom de l’Autorité palestinienne avec le gouvernement israélien. Le Hamas n’était pas partie prenante de ces négociations, et pourtant elles ont échoué, parce qu’Israël refuse l’application des résolutions des Nations unies, le retrait des territoires occupés en 1967. Tous les Etats arabes ont accepté l’initiative de paix du roi Abdallah proposant l’échange de la paix contre les territoires, et Israël a encore refusé...

« Aujourd’hui, de deux choses l’une. Ou bien les Frères musulmans de Gaza rétablissent la trêve qu’ils ont rompue et, dans la foulée, déclarent caduque une charte fondée sur le pur refus de l’“entité sioniste” : ils rejoindront ce vaste parti du compromis qui ne cesse, Dieu soit loué, de progresser dans la région-et la paix se fera. Ou bien ils s’obstinent à ne voir dans la souffrance des leurs qu’un bon carburant pour leurs passions recuites, leur haine folle, nihiliste, sans mots-et c’est non seulement Israël, mais les Palestiniens, qu’il faudra libérer de la sombre emprise du Hamas. » 

Comment faut-il les libérer ? Rappelons que la majorité des Palestiniens a voté pour le Hamas dans des élections libres suscitées par les Etats-Unis et l’Union européenne. Ils ont voté pour protester contre l’incurie de l’OLP et contre l’échec du processus d’Oslo que le Fatah avait prôné. Au nom de « nos valeurs », nous avons refusé le verdict des urnes... Le peuple vote mal, changeons-le. Ou plutôt, imposons-lui une bonne dictature ou une bonne occupation qui le civilisera. C’était le raisonnement des Soviétiques quand ils sont intervenus en Afghanistan en décembre 1979, et que Georges Marchais évoquait « le droit de cuissage ». Faut-il s’étonner que Philippe Val, dans son éditorial de Charlie Hebdo, « Gaza : la colombe, le faucon et le vrai con », évoque cette invasion : « Les Soviétiques eux-mêmes, en 1979, avaient senti le danger (l’islamisme), et, à tort ou à raison (sic), avaient envahi l’Afghanistan. » Voici revenu le temps du colonialisme : nous allons civiliser tous ces indigènes qui acceptent le droit de cuissage, la polygamie, le voile, etc., et les libérer de la sombre emprise des intégristes.

Source

 

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20 janvier 2009

Khaled Mechaal : « Nous voulons un Etat dans les frontières de 1967 »

Khaled Mechaal : « Nous voulons un Etat dans les frontières de 1967 »

lundi 22 décembre 2008, par Alain Gresh

« Le Hamas et les forces palestiniennes ont offert une occasion en or d’apporter une solution raisonnable au conflit israélo-arabe. Malheureusement, personne ne s’en est saisi, ni l’administration américaine, ni l’Europe, ni le Quartet. Notre bonne volonté s’est heurtée au refus israélien que personne n’a la capacité ou la volonté de surmonter. Dans le document d’entente nationale de 2006 signé avec toutes le forces palestiniennes (à l’exception du Jihad islamique), nous affirmons notre acceptation d’un Etat palestinien dans les frontières du 4 juin 1967, avec Jérusalem comme capitale, sans colonies et avec le sujet (mawdou’) du droit au retour. C’est le programme commun aux forces palestiniennes. Certaines veulent plus, d’autres moins. Ce programme date de trois ans. Les Arabes veulent quelque chose de similaire. Le problème est en Israël. Les Etats-Unis jouent un rôle de spectateur dans les négociations et ils appuient les réticences israéliennes. Le problème n’est donc pas le Hamas, ni les pays arabes : il est israélien. »

Dans une villa de Damas, Khaled Mechaal, le chef du bureau politique du Hamas, multiplie les entretiens avec la presse, alors que le cessez-le-feu avec Israël à Gaza est arrivé à échéance le 19 décembre et que le mandat du président Mahmoud Abbas (Abou Mazen) arrive à son terme début janvier. La télévision du Hamas indique le chiffre « 19 » au-dessous du portrait du président : le temps au-delà duquel l’organisation ne reconnaîtra plus sa légitimité.

Mechaal jouit d’une aura particulière depuis qu’il a échappé de peu à la mort en septembre 1997. Il résidait alors à Amman. Sur ordre de Benyamin Netanyahou, le premier ministre israélien, un commando des services secrets israéliens lui avait injecté un poison. Mais l’opération tourna au fiasco quand les membres du commando furent arrêtés par les Jordaniens ; le roi Hussein exigea que son voisin lui livre l’antidote. Pour faire bonne mesure, Israël accepta aussi de libérer le cheikh Ahmed Yassine, dirigeant spirituel du Hamas (qui sera assassiné le 22 mars 2004).

Le Hamas se défend d’être un obstacle à la paix. « Nous avons une position de réserve par rapport à la reconnaissance d’Israël. Mais, malgré cela, nous avons dit que nous ne serions pas un obstacle aux actions arabes pour la mise en œuvre de l’initiative arabe de 2002. Les Arabes ont multiplié les initiatives. Ils ont renouvelé leur proposition en 2007. Et, malgré cela, la direction israélienne refuse l’initiative de paix arabe, elle la découpe en parties, elle joue sur les mots, elle multiplie les manœuvres. »

Le précédent de la reconnaissance inconditionnelle par l’OLP de l’Etat d’Israël ne poussera sûrement pas le Hamas à suivre la même voie. A la fin des années 1980 aussi, les Etats-Unis multipliaient les pressions sur l’OLP pour que celle-ci reconnaisse officiellement l’Etat d’Israël (sans jamais préciser dans quelles frontières). En décembre 1988, Arafat obtempérait. Vingt ans plus tard, l’Etat palestinien n’existe toujours pas. Pour Mechaal, comme pour nombre de Palestiniens, à quoi serviraient de nouvelles concessions ? Après tout, Mahmoud Abbas a déjà fait toutes les concessions demandées, et les négociations qu’il mène depuis des années n’ont pas avancé...

Les propos de Khaled Mechaal dégagent une certaine assurance. Depuis sa victoire aux élections législatives de janvier 2006 et malgré toutes les pressions, le Hamas reste un acteur incontournable, notamment depuis la prise de contrôle de la bande de Gaza en juin 2007. D’autant qu’il a réussi à infliger une défaite militaire à Israël qui a contraint ce dernier à rechercher un cessez-le-feu.

C’est ce cessez-le-feu (ou plutôt tahdi’a, « retour au calme », selon le terme arabe), négocié sous l’égide de l’Egypte, qui est arrivé à échéance le 19 décembre. Pourquoi ?

« Le cessez-le-feu ne s’est pas terminé par une décision. Il devait se terminer au bout de six mois, et c’est ce qui se passe. Il n’y a pas besoin que quelqu’un annonce sa fin. L’accord comprenait trois points : le cessez-le-feu entre les parties ; l’extension du cessez-le-feu au bout de quelques mois à la Cisjordanie ; la levée du blocus de Gaza. D’autre part, il existait un engagement de l’Egypte d’ouvrir le point de passage de Rafah. »

« Ces engagements n’ont été respectés que très partiellement par Israël. Oui, le niveau de violence a baissé, les agressions contre Gaza ont diminué, mais elles ne se sont pas arrêtées (vingt-cinq Palestiniens ont été tués depuis la signature de l’accord). Quant au reste, rien n’a été conclu. Les points de passage qui auraient dû rouvrir dans les dix jours qui suivaient le 19 juin n’ont été rouverts que très partiellement. Et, dans la dernière période, la situation à Gaza est devenue pire qu’avant l’accord. Ce bilan, nous l’avons dressé depuis longtemps, mais, par égard pour l’Egypte qui a négocié l’accord, nous nous y sommes tenus. »

« En juin, 94 % de la population de Gaza était avec l’accord. Aujourd’hui, les gens sont contre, car il n’a pas réalisé ce qui pour eux est l’essentiel : la levée du blocus. Le non-renouvellement de l’accord était naturel et conforme à l’état d’esprit de la population. »

Mechaal ajoute :

« De toute façon, la tahdi’a ne pouvait être que provisoire. Car ce qui est à l’origine de la situation, c’est l’occupation, et l’occupation engendre la résistance. Nous menons une guerre défensive, pas d’agression. »

Sur le terrain, les combats ont repris. Aux raids israéliens répondent les roquettes palestiniennes. La presse israélienne évoque une opération de grande envergure contre la bande de Gaza et Tzipi Livni, ministre israélienne des affaires étrangères, déclare qu’il faut se débarrasser du Hamas par tous les moyens. Mais que peut-on tenter d’autre, en dehors d’un retour à l’occupation directe de Gaza ?

Le Hamas dispose de soutiens régionaux, en premier lieu la Syrie et l’Iran. Plusieurs pays du Golfe ont maintenu des relations avec le mouvement. La Jordanie, après une longue période de boycottage, a entamé un dialogue avec l’organisation. Pragmatique, le roi Abdallah a dû prendre en compte les échecs des tentatives d’éliminer le Hamas, qui dispose d’appuis importants dans le royaume, notamment l’organisation des Frères musulmans. D’autre part, les négociations israélo-palestiniennes sont dans l’impasse et l’absence de toute solution sur la question des réfugiés – il y a plusieurs millions de Palestiniens en Jordanie – fait craindre au souverain la renaissance de l’idée que la Jordanie devrait être l’Etat palestinien, une idée agitée à plusieurs reprises par la droite israélienne. Or, le Hamas est opposé aussi bien à cette idée qu’à celle d’une installation définitive des réfugiés dans les pays d’accueil.

Le problème pour le Hamas reste l’attitude de l’Egypte. Le Caire a administré la bande de Gaza entre 1949 et 1967. Il y dispose d’une influence réelle. L’Egypte a été le parrain de l’accord de tahdi’a entre Israël et le Hamas. Pourtant, elle ne considère pas que le Hamas, qui a gagné les élections de 2006, est l’autorité légitime ; et elle le voit comme une simple extension des Frères musulmans, qui sont la principale force d’opposition – très réprimée – au régime du président Moubarak. Enfin, l’Egypte, qui a signé un accord de paix avec Israël, préfère la « souplesse » de Mahmoud Abbas à l’« intransigeance » du Hamas. Est-ce cela qui permet de comprendre pourquoi Le Caire refuse d’ouvrir le passage de Rafah entre l’Egypte et Gaza, ouverture qui permettrait ce casser le blocus, mais qui serait interprétée comme une victoire du Hamas ?

« Nous voulons de bonnes relations avec les pays arabes, explique Mechaal. Nous ne sommes jamais à l’origine des ruptures avec tel ou tel. Nous traitons toujours avec les gouvernements, jamais avec les forces d’opposition ; nous ne nous ingérons pas dans les affaires intérieures. »

Un retour à l’unité palestinienne est-il envisageable ?

Depuis la prise de contrôle de la bande de Gaza par le Hamas, les ponts étaient rompus entre le président Abbas et les islamistes. L’accord de La Mecque était enterré. « Il y a eu deux étapes dans les tentatives de réconciliation entre le pouvoir de Ramallah et nous. Au départ, le pouvoir ne voulait pas d’accord à cause des vetos américain et israélien ; parce qu’il pensait que nous allions nous effondrer à Gaza sous l’effet du blocus ; et que le sommet d’Annapolis allait déboucher sur une percée. Malgré les efforts de nombreux Etats arabes et aussi d’autres pays comme le Sénégal, la réconciliation n’a pu avoir lieu. »

« Puis, du fait de l’échec de ces espoirs – et de l’arrivée au pouvoir d’un nouveau président aux Etats-Unis, et aussi (en février) d’un nouveau premier ministre israélien –, la présidence palestinienne a changé de position. Il lui a semblé nécessaire d’essayer d’obtenir un accord qui permettrait de présenter, sous la direction de Mahmoud Abbas, un projet palestinien unifié. Et, pour être franc, certains espèrent qu’un accord permettrait la tenue d’élections et d’évincer le Hamas du pouvoir par une voie électorale. Mais cela montre que la volonté de réconciliation s’appuie sur des bases fausses, et cela explique pourquoi elle a échoué. »

La région vit une période d’attente. Des élections générales se dérouleront en Israël le 10 février 2009. Dans moins d’un mois, Barack Obama prendra ses fonctions de président. Va-t-on vers des changements ?

« En principe, le nouveau président devrait infléchir la politique américaine pour deux raisons. Pourquoi ? D’abord, parce que l’administration Bush a échoué, elle est arrivée dans une impasse dans la région ; il serait normal qu’elle change. Ensuite, parce que la non-solution du conflit israélo-arabe et la non-résolution de la question palestinienne sur une base juste amèneront l’instabilité non seulement dans la région, mais dans le monde. Il est donc dans l’intérêt des Etats-Unis de supprimer les causes de l’hostilité aux Américains dans la région et dans le monde musulman. »

Mechaal réfléchit un moment puis ajoute :

« Il y a une troisième raison. Si Obama veut redonner un rôle plus effectif aux Etats-Unis dans le monde, il doit traiter le Proche-Orient de manière différente. Sur beaucoup de dossiers, ils se sont alignés sur Israël, et sur le lobby sioniste.

Est-ce que ce changement va se produire ? Cela dépend de la volonté et de la disposition de l’administration Obama à prendre les mesures nécessaires. A ce stade, je ne peux répondre ni dans un sens ni dans un autre. Mais, en ce qui nous concerne, nous aurons une attitude positive et nous répondrons de manière responsable à toute initiative américaine qui prendra en compte les droits des Palestiniens. Nous voulons l’autodétermination. Notamment depuis que nous avons concédé une base que demandait la communauté internationale, une solution sur la base des frontières de 1967. »

L’Europe n’occupera pas une place très importante dans la conversation, tant son rôle paraît marginal et aligné sur celui des Etats-Unis.

En conclusion, qu’en est-il du cas du soldat franco-israélien Gilad Shalit, considéré par certains comme un otage ?

« Nous regrettons que le monde ne se préoccupe que du soldat Shalit, qui été capturé durant des combats, et pas des 12 000 prisonniers politiques palestiniens – dont des députés élus. Mais nous avons accepté la demande du président Sarkozy lors de sa visite en Syrie, de transmettre une lettre de sa famille au soldat Shalit, par respect pour la France et pour le choix qu’elle avait fait de se rapprocher du monde arabe. Pour sa libération, nous avons négocié indirectement avec Israël depuis deux ans sous l’égide de l’Egypte. Mais Israël est revenu sur les engagements pris (notamment le nombre de libérations de prisonniers palestiniens). Nous voulons que Gilad Shalit retrouve sa famille, mais nous voulons que des prisonniers palestiniens retrouvent aussi leur famille. »

SOURCE

14 janvier 2009

Les propagandistes

A l'heure où ces lignes sont écrits, l'agression israélienne contre la Palestine continue, avec son lot ÉNORME de massacres et de crimes de guerre. Beaucoup de donneurs de leçons d'humanisme se font petits, se font minus et essayent de justifier l'injustifiable. Comment peut-on justifier l'assassinat de bébés ?! Il n'y a qu'à lire Bernard Henry Levy ou André Glucksmann pour en avoir l'exemple. Raisonnements boiteux et arnaques intellectuelles, tout est bon pour blanchir israël, même là où il a reconnu ses erreurs. Preuve qie l'on peut être plus oryalistes que le roi ! Ils ont la gachette rapide, et le verbe facile, quant il s'agit de dénoncer les "autres" : les russes, les chinois, les africains, les serbes ... quelle courage! C'est vrai que c'est plus "courageux" de dénoncer les crimes des autres que ceux de son propre camp!

On peut également distinguer nettement une certaine cohérence dans toutes leurs prises de position, écrits ou déclaration : l'humanisme s'arrête à la portée des canons israéliens, passée cette limite, on entre dans le champ d'application de la théorie de "c'est de la faute des autres" à l'énoncer fort simple : [ce n'est jamais la faute de la politique israélienne, c'est toujours la faute des autres]. On l'aurait compris, ces deux campères là n'en ratent pas une pour appliquer leur fameux théorème et ils en ont une preuve fort facile {Si tu crois pax à ce théorème, c'est que t'es anti-simite} Quel est facile d'avoir l'argument convainquant !

12 janvier 2009

Une stratégie citoyenne contre l’apartheid et la guerre

Une stratégie citoyenne contre l’apartheid et la guerre
Trois idées simples pour mettre fin au soutien politique aux crimes israéliens

par Jean Bricmont

Jean Bricmont est professeur de physique théorique à l’Université de Louvain (Belgique).

Alors qu’Israël poursuit ses bombardements contre la population palestinienne et que les paramilitaires du général Mohamed Dahlan attendent à la frontière égyptienne l’ordre d’entrer à Gaza pour y massacrer les familles du Hamas, les opinions publiques européennes se sentent impuissantes à agir. Malgré leur ampleur, les manifestations se succèdent, sans impact sur les responsables politiques. Le professeur Jean Bricmont propose une stratégie simple pour changer les rapports de force en Europe et, à terme, mettre fin au soutien dont dispose le régime d’apartheid israélien.

Nous sommes sans doute des millions à assister, rageurs et impuissants, à la destruction de Gaza, tout en subissant le discours médiatique sur la « réponse au terrorisme » et le « droit d’Israël à se défendre ». Mais, comme le fait remarquer le journaliste anglais Robert Fisk, les gens qui tirent des roquettes sur le sud d’Israël ne sont souvent que les descendants des habitants de cette région, qui en ont été chassés en 1948. Tant que cette réalité fondamentale ne sera pas reconnue et cette injustice réparée, rien de sérieux n’aura été fait ou dit en faveur de la paix.

Mais que faire ? Organiser de nouveaux dialogues entre juifs progressistes et musulmans modérés ? Attendre une nouvelle initiative de paix ? Ou de nouvelles déclarations des ministres de l’Union Européenne ?

Est-ce que toutes ces comédies n’ont pas assez duré ? Ceux qui veulent faire quelque chose s’en tiennent trop souvent à des exigences irréalistes : demander la création d’un tribunal international pour juger les criminels de guerre israéliens ou demander une intervention efficace de l’ONU ou de l’Union Européenne. Tout le monde sait très bien que rien de cela ne se fera, parce que les tribunaux internationaux, par exemple, ne font que refléter les rapports de force dans le monde et ceux-ci sont pour le moment en faveur d’Israël. Ce sont ces rapports de force qu’il faut changer et cela ne peut se faire que petit à petit. C’est vrai qu’il y a « urgence » pour Gaza, mais il est tout aussi vrai que rien ne peut être fait aujourd’hui, précisément parce que le patient travail qui aurait dû être fait dans le passé n’a pas été accompli.

Dans les propositions faites ci-dessous, deux se situent sur le plan idéologique, et une sur le plan pratique.

1. Se défaire de l’illusion selon laquelle Israël est « utile »

Beaucoup de gens, surtout à gauche, continuent à penser qu’Israël n’est qu’un pion dans une stratégie états-unienne, capitaliste ou impérialiste de contrôle du Moyen-Orient. Rien n’est plus faux. Israël ne sert pratiquement à personne, sauf à ses propres fantasmes de domination. Il n’y a pas de pétrole en Israël ou au Liban. Les guerres dites pour le pétrole, de 1991 et de 2003, ont été menées par les États-Unis sans aucune aide israélienne et, en 1991, avec la demande explicite des États-Unis de non-intervention israélienne, parce que celle-ci aurait fait s’effondrer leur coalition arabe. Comme « allié stratégique », on peut trouver mieux. Il n’y a aucun doute que les pétro-monarchies pro-occidentales et les régimes arabes « modérés » sont catastrophés de voir Israël occuper sans arrêt les terres palestiniennes et radicaliser ainsi une bonne partie de leurs populations. C’est Israël qui, par ses politiques absurdes, a provoqué la création à la fois du Hezbollah et du Hamas et qui est indirectement responsable d’une bonne partie de la croissance de « l’islamisme radical ».

Il faut aussi comprendre que les capitalistes, pris dans leur ensemble (il n’y a pas que les marchands d’armes…), gagnent beaucoup plus à la paix qu’à la guerre : il n’y a qu’à voir les fortunes réalisées par les capitalistes occidentaux en Chine et au Vietnam depuis que la paix a été conclue avec ces pays, par opposition à l’époque de Mao et de la guerre du Vietnam. Les capitalistes se fichent pas mal de savoir de quel « peuple » Jérusalem est la « capitale éternelle » et, si la paix y régnait, ils se précipiteraient en Cisjordanie et à Gaza pour y exploiter une main d’œuvre qualifiée et n’ayant pas beaucoup d’autres moyens de vivre.

Finalement, n’importe quel États-unien préoccupé de l’influence de son pays dans le monde voit bien que s’aliéner un milliard de musulmans pour satisfaire tous les caprices d’Israël n’est pas exactement un investissement rationnel dans l’avenir.

Ce sont souvent ceux qui se considèrent comme marxistes qui ne veulent voir dans le soutien à Israël qu’une simple émanation de phénomènes généraux comme le capitalisme ou l’impérialisme (Marx lui-même était beaucoup plus nuancé sur la question du réductionnisme économique). Mais ce n’est pas rendre service au peuple palestinien que de maintenir de telles positions — en effet, le système capitaliste, qu’on l’aime ou non, est un système bien trop robuste pour dépendre de façon significative de l’occupation de la Cisjordanie ; ce système se porte d’ailleurs comme un charme en Afrique du Sud depuis le démantèlement de l’apartheid.

2. Libérer la parole non-juive sur la Palestine

Si le soutien à Israël ne s’explique pas principalement par des intérêts économiques ou stratégiques, pourquoi ce silence et cette complicité ? On pourrait invoquer l’indifférence à l’égard de ce qui se passe « loin de chez nous ». C’est peut-être vrai pour la majorité de la population, mais pas pour le milieu intellectuel dominant, lequel déborde de critiques envers le Venezuela, Cuba, le Soudan, l’Iran, le Hezbollah, le Hamas, la Syrie, l’Islam, la Serbie, la Russie ou la Chine. Et, sur tous ces sujets, même les plus grossières exagérations sont courantes et acceptées.

Une autre explication de la mansuétude envers Israël est la « culpabilité » occidentale par rapport aux persécutions antisémites du passé, en particulier les horreurs de la Deuxième Guerre mondiale. À ce sujet, on remarque parfois que les Palestiniens ne sont en rien coupables de ces horreurs et ne doivent pas payer pour les crimes des autres. C’est vrai, mais ce qui n’est presque jamais dit et qui est pourtant évident, c’est que l’immense majorité des Français, des Allemands ou des prêtres catholiques aujourd’hui sont tout aussi innocents que les Palestiniens de ce qui s’est passé pendant la guerre, pour la simple raison qu’ils sont nés après la guerre ou étaient enfants pendant celle-ci. La notion de culpabilité collective était déjà très discutable en 1945, mais l’idée de transmettre cette culpabilité aux descendants est une idée quasiment religieuse.

Ce qui est d’ailleurs curieux, c’est qu’à l’époque où l’Église catholique abandonnait l’idée de peuple déicide, celle de responsabilité quasi-universelle face au judéocide commençait à s’imposer. Mais cette « culpabilité » justifie une énorme hypocrisie. Nous sommes tous supposés nous sentir coupables de crimes du passé, auxquels, par définition, nous ne pouvons rien faire, mais presque pas coupables des crimes de nos alliés états-unien et israélien qui se déroulent aujourd’hui, devant nos yeux, et dont on pourrait au minimum clairement se désolidariser. Et, bien qu’il est sans arrêt affirmé que le souvenir de l’holocauste n’est pas supposé justifier la politique israélienne, il est évident que c’est au sein des populations les plus culpabilisées par ce souvenir (les Allemands, les Français et les catholiques) que le silence est le plus fort (par opposition aux noirs, aux arabes et aux Britanniques).

Ce qui précède est une banalité, mais une banalité qui n’est pas facile à dire — pourtant, il faut la répéter jusqu’à ce qu’elle soit reconnue pour telle si l’on veut que les non-juifs arrivent à s’exprimer librement sur la Palestine —. Peut-être que le meilleur slogan à mettre en avant lors des manifestations sur la Palestine ne serait pas, « Nous sommes tous des Palestiniens » — slogan bien intentionné mais qui ne reflète nullement la réalité de notre situation et la leur — mais plutôt : « Nous ne sommes pas coupables de l’holocauste ». En cela, nous partageons effectivement quelque chose avec les Palestiniens.

Mais la principale raison du silence ne peut être uniquement la culpabilité, précisément parce que celle-ci est très artificielle, mais bien la peur. Peur de la médisance, de la diffamation, ou des procès, dont le seul acte d’accusation est toujours le même, l’antisémitisme. Si l’on n’en est pas convaincu, prenons un journaliste, un homme politique ou un éditeur, enfermons-nous avec lui dans une pièce où il peut vérifier qu’il n’y a ni caméra cachée ni micro, et demandons-lui s’il dit publiquement tout ce qu’il pense vraiment d’Israël et, s’il ne le dit pas (à mon avis, la réponse la plus probable), pourquoi se tait-il ? À-t-il peur de nuire aux intérêts des capitalistes en Cisjordanie ? D’affaiblir l’impérialisme états-unien ? Ou encore, de risquer d’affecter les cours ou les flux du pétrole ? Ou bien a-t-il au contraire peur des organisations sionistes, de leurs poursuites et de leurs calomnies ?

Il me semble évident, après des dizaines de discussions avec des personnes d’origine non-juive, que la bonne réponse est la dernière. On tait ce qu’on pense de l’État qui se dit « État juif » de peur d’être traité d’antisémite. Ce sentiment est encore renforcé par le fait que la plupart des gens qui sont choqués par la politique israélienne sont réellement horrifiés par ce qui s’est passé pendant la Deuxième Guerre mondiale et sont réellement hostiles à l’antisémitisme. À cause de ce qui précède, presque tout le monde a intériorisé l’idée que le discours sur Israël, et, plus encore, sur les organisations sionistes, constitue un tabou à ne pas enfreindre, et c’est cela qui entretient un climat de peur généralisé. On peut d’ailleurs remarquer que ce sont en général ceux qui donnent, en privé, des « conseils d’amis » (fais attention, pas d’amalgame, pas d’exagération, islamisme…, extrême-droite …, Dieudonné, etc.) qui sont les premiers à déclarer en public qu’ils n’ont peur de rien et que les pressions n’existent pas. Évidemment, parce que reconnaître la peur serait le meilleur moyen pour commencer à s’en libérer.

Par conséquent, la première chose à faire, c’est combattre cette peur. Ceci n’est pas toujours compris par les militants de la cause palestinienne parce que, par leur action même, ils démontrent qu’eux n’ont pas peur. Ce sont souvent des gens très dévoués et qui ne briguent aucune position de pouvoir dans la société. Cependant, ils devraient s’imaginer à la place de ceux qui occupent ou espèrent occuper de telles positions (et qui, par conséquent, sont en mesure d’affecter les décisions politiques) et qui sont, précisément à cause de leurs ambitions, vulnérables à l’intimidation. La seule façon de procéder est de créer un climat de « désintimidation », en soutenant chaque homme politique, chaque journaliste, chaque écrivain, qui ose écrire une phrase, un mot, une virgule, critiquant Israël. Il faut le faire tous azimuts, sans se limiter à soutenir des personnes qui ont des positions « correctes » sur d’autres sujets (selon l’axe gauche-droite), ou qui ont des positions « parfaites » sur le conflit.

Finalement, plutôt que de parler de « soutien » à la cause palestinienne, comme le font beaucoup d’organisations, soutien qui n’obtiendra jamais, aussi regrettable que ce soit, l’adhésion de la majorité de la population de nos pays, on devrait présenter la question palestinienne sous l’angle des intérêts bien compris de la France et de l’Europe. En effet, nous n’avons aucune raison de nous aliéner le monde arabo-musulman ou de voir augmenter la haine de l’Occident, et il est catastrophique pour nous de créer un conflit de plus avec la partie de la population « issue de l’immigration » qui, souvent, sympathise avec les Palestiniens. Remarquons à ce sujet que ce n’est pas en prônant un indéfectible soutien à Israël que les sionistes ont réussi, mais bien par un lent travail d’identification entre la défense de l’Occident (en matière d’approvisionnement pétrolier ou de lutte contre l’islamisme) et celle d’Israël (on peut d’ailleurs regretter que beaucoup de discours de gauche sur l’utilité d’Israël pour le contrôle du pétrole, ainsi que de discours laïcs sur l’Islam, renforcent cette identification).

3. Pour ce qui est des initiatives pratiques, elles se résument en trois lettres : BDS (Boycott, désinvestissements, sanctions)

L’exigence de sanctions est reprise par la plupart des organisations pro-palestiniennes, mais comme ce genre de mesures est la prérogative des États, tout le monde sait que cela ne se fera pas à court terme. Les mesures de désinvestissements sont soit prises par des organisations qui ont de l’argent à investir (syndicats, Églises) et c’est une décision qui relève alors de leurs membres, soit d’entreprises qui collaborent étroitement avec Israël et qui ne changeront de politique que suite à des actions de boycott, ce qui nous ramène à la discussion de cette forme d’action, qui vise non seulement les produits israéliens mais aussi les institutions culturelles et académiques de cet État.

Notons que cette tactique a été utilisée contre l’Afrique du Sud et que les deux situations sont très semblables : le régime d’apartheid et Israël sont (ou étaient) des « legs » du colonialisme européen, qui ont du mal à accepter (contrairement à la majorité des opinions publiques ici) le fait que cette forme de domination est révolue. Les idéologies racistes qui sous-tendent les deux projets les rendent insupportables aux yeux de la majorité de l’humanité et créent des haines et des conflits sans fin. On pourrait même dire qu’Israël n’est rien qu’une autre Afrique du Sud, plus l’instrumentalisation de l’holocauste.

Dans le cas du boycott culturel et académique, on objecte parfois qu’il y a des victimes innocentes, bien intentionnées, voulant la paix, etc., argument déjà utilisé d’ailleurs à l’époque de l’Afrique du Sud (et le même argument pourrait être soulevé à propos des travailleurs des entreprises victimes du boycott économique). Mais Israël lui-même reconnaît qu’il y a des victimes innocentes à Gaza, ce qui ne l’empêche nullement de les tuer. Nous, nous ne proposons de tuer personne. L’action de boycott est parfaitement citoyenne et non violente ; cependant, même une telle action peut provoquer des dégâts collatéraux- les artistes et scientifiques bien intentionnés qui seraient victimes du boycott.

Ce type d‘action est comparable à l’objection de conscience à l’époque de la conscription ou à une action de désobéissance civile — Israël ne respecte aucune des résolutions de l’ONU le visant, et nos gouvernements, loin de prendre des mesures pour les faire appliquer, ne font que renforcer leurs liens avec Israël — ; nous avons le droit en tant que citoyens (dont l’opinion, bien qu’inaudible, est probablement majoritaire et le serait sûrement si un débat ouvert pouvait avoir lieu), de dire NON.

L’important dans les sanctions, particulièrement au niveau culturel, c’est précisément leur côté symbolique (et non purement économique). C’est dire à nos gouvernements : nous n’acceptons pas votre politique de collaboration et,in fine, c’est dire à Israël qu’il est ce qu’il a choisi d’être, un État hors-la-loi internationale.

Un argument fréquent contre le boycott est qu’il est rejeté par des Israéliens progressistes et un certain nombre de Palestiniens « modérés » (bien qu’il soit soutenu par la majorité de la société civile palestinienne). Mais la question n’est pas principalement de savoir ce qu’eux veulent, mais quelle politique étrangère nous voulons pour nos propres pays. Le conflit israélo-arabe dépasse de loin l’enjeu local et a atteint une signification mondiale ; de plus, il engage la question fondamentale du respect du droit international. Nous, Occidentaux, pouvons parfaitement vouloir nous joindre au reste du monde, qui rejette la barbarie israélienne, et cela est déjà une raison suffisante pour encourager le boycott.

 

Jean Bricmont

Jean Bricmont est professeur de physique théorique à l’Université de Louvain (Belgique).

9 janvier 2009

règles de la "neutralité" journalistiques

Règle numéro 1: Au Proche Orient, ce sont toujours les arabes qui attaquent les premiers et c'est toujours Israël qui se défend. Cela s'appelle des représailles.

Règle numéro 2: Les arabes, Palestiniens ou Libanais n'ont pas le droit de tuer des civils de l'autre camp. Cela s'appelle du terrorisme.

Règle numéro 3: Israël a le droit de tuer les civils arabes. Cela s'appelle de la légitime  défense.

Règle numéro 4: Quand Israël tue trop de civils, les puissances occidentales l'appellent à la retenue. Cela s'appelle la réaction de la communauté internationale.

Règle numéro 5: Les Palestiniens et les Libanais n'ont pas le droit de capturer des militaires israéliens, même si leur nombre est très limité et ne dépasse pas un soldat.

Règle numéro 6: Les israéliens ont le droit d'enlever autant de Palestiniens qu'ils le souhaitent (environ 12,000 prisonniers à ce jour). Il n'y a aucune limite et n'ont besoin d'apporter aucune preuve de la culpabilité des personnes enlevées. Il suffit juste de dire le mot magique "terroriste".

Règle numéro 7: Quand vous dites "Résistance", il faut toujours rajouter l'expression « soutenu par la Syrie et l'Iran ».

Règle numéro 8: Quand vous dites "Israël", Il ne faut surtout pas rajouter après: « soutenu par les États-Unis, la France et l'Europe », car on pourrait croire qu'il s'agit d'un conflit déséquilibré.

Règle numéro 9: Ne jamais parler de "Territoires occupés ", ni de résolutions de l'ONU, ni de violations du droit international, ni des conventions de Genève. Cela risque de perturber le téléspectateur et l'auditeur de France Info.

Règle numéro 10: Les israéliens parlent mieux le français que les arabes. C'est ce qui explique qu'on leur donne, ainsi qu'à leurs partisans, aussi souvent que possible la parole. Ainsi, ils peuvent nous expliquer les règles précédentes (de 1 à 9). Cela s'appelle de la neutralité journalistique.

Règle numéro 11: Si vous n'êtes pas d'accord avec ses règles ou si vous trouvez qu'elles favorisent une partie dans le conflit contre une autre, c'est que vous êtes un dangereux antisémite.

9 janvier 2009

Les mots biaisés du Proche-Orient

Les mots biaisés du Proche-Orient

Par Joris Luyendijk - Journaliste néerlandais, auteur de Presque humains. Images du Proche-Orient (Podium, Amsterdam, 2006).

Comprendre le quoi, le où, le quand, le qui et le comment, puis écouter chaque partie sur le pourquoi, tout en séparant bien le fait de l’opinion... N’est-ce pas à cela qu’on reconnaît les journaux de qualité ? Et que promettent les spots promotionnels de CNN, Fox News ou Al-Jazira, si ce n’est l’objectivité ? « We report, you decide » : nous rapportons les faits, vous décidez. Pourtant, après avoir travaillé cinq ans comme correspondant au Proche-Orient, ma conclusion est pessimiste : les journalistes occidentaux ne peuvent pas décrire précisément, et encore moins objectivement, le monde arabe ni le Proche-Orient. Même en suivant à la lettre les règles journalistiques, ils peignent un tableau profondément déformé de la région.

Le problème essentiel tient aux mots utilisés : ceux qu’emploient les journalistes ne signifient rien pour les publics européen ou américain, ou sont compris de manières différentes, ou sont tout simplement biaisés.

Les meilleurs exemples de ces termes inconnus sont les mots « occupation » et « dictature ». Ignorer la nature d’une dictature n’est pas le monopole des intellectuels ou du grand public. Au temps où j’étais correspondant, j’essuyais parfois des réprimandes du rédacteur en chef : pourquoi obtenir un visa pour l’Irak de Saddam Hussein demandait-il tant de temps ? Et pourquoi n’étais-je pas encore allé en Libye ? « Comment ça, pas de visa ? Insiste ! » Ou cette demande faite par un célèbre journaliste d’investigation qui souhaitait avoir les coordonnées des services secrets jordaniens... Ou ce comptable qui me réclamait les reçus pour toutes les personnes que j’avais soudoyées durant mon voyage dans l’Irak de l’ancien dictateur...

Pourtant, le rédacteur en chef, le journaliste d’investigation ou le comptable suivaient l’actualité de très près. Ils lisaient les journaux et regardaient la télévision. Mais à quel moment ces journaux ou ces télévisions expliquent-ils ce qu’est réellement une dictature ?

Le livre que j’ai publié l’été dernier porte sur la peur, la méfiance, le lavage de cerveau, la corruption et la destruction délibérée des ressources propres à chaque personne, de l’amour propre. L’éditeur s’est impliqué personnellement et l’a lu plusieurs fois. Présent à la Foire du livre de Francfort, il en est revenu plein d’entrain : il avait parlé du livre à un collègue égyptien qui était intéressé ; ma percée dans le monde arabe était imminente ! Il était radieux, jusqu’au jour où il lui a été expliqué qu’existait une contradiction dans les termes : une dictature peut-elle autoriser la publication d’un livre qui a précisément pour thème l’odieuse nature de cette dictature ? Même après avoir digéré cent pages consacrées à la culture de la peur sur laquelle s’appuient les Etats policiers, le mot « dictature » était resté, pour lui, une abstraction.

Le mot « occupation » peut-il être, lui aussi, vide de sens pour les lecteurs et les téléspectateurs occidentaux ? Un tel vide expliquerait pourquoi on multiplie les pressions sur l’Autorité palestinienne pour qu’elle prouve qu’elle « en fait assez contre la violence » alors qu’on ne demande presque jamais aux porte-parole du gouvernement israélien s’ils « en font assez contre l’occupation ». Nul doute qu’en Occident le citoyen sait ce qu’est la menace terroriste, ne serait-ce que parce que les responsables politiques le lui rappellent régulièrement. Mais qui explique aux publics occidentaux la terreur qui se cache derrière le mot « occupation » ? Quelle que soit l’année à laquelle on se réfère, le nombre de civils palestiniens tués en raison de l’occupation israélienne est au moins trois fois supérieur à celui des civils israéliens morts à la suite d’attentats. Mais les correspondants et les commentateurs occidentaux, qui évoquent les « sanglants attentats-suicides », ne parlent jamais de la « sanglante occupation ».

Si les horreurs quotidiennes de l’occupation israélienne restent largement invisibles, l’« information » provenant des dictatures parvient aux journaux et aux télévisions occidentaux. Se présente alors un second problème : quand les journalistes décrivent les événements, ils empruntent les termes des démocraties. Ils utilisent des mots comme « Parlement » ou « juge », ils disent le « président Moubarak » plutôt que le « dictateur Moubarak », et ils parlent du Parti national démocratique alors que celui-ci n’est ni « démocratique » ni un « parti ». Ils citent un professeur d’université du monde arabe, mais oublient d’ajouter que celui-ci est contrôlé et surveillé par les services secrets. Lorsque sur l’écran de télévision apparaissent quelques jeunes gens en colère qui brûlent un drapeau danois dans un Etat policier, ils appellent cela une « manifestation » et non une opération de communication.

Ce qu’il y a de déconcertant, c’est que les correspondants qui se trouvent au Proche-Orient connaissent pertinemment ce que signifie une occupation et une dictature. Ils travaillent et vivent dans des pays arabes et dans les territoires palestiniens, ils y ont des amis, des collègues et des familles qui ne peuvent se fier à aucune règle de droit. Ces amis, ces collègues, ces familles ne sont pas des citoyens mais des sujets, presque sans défense, et ils le savent. Mais comment les publics occidentaux pourraient-ils savoir, savoir véritablement, de quelle manière tourne un tel système ? Surtout quand le vocabulaire laisse penser que les démocraties et les Etats policiers fonctionnent d’une façon quasiment similaire, avec un Parlement, un président et, même, des « élections » ?

Certains mots ne disent rien aux citoyens ordinaires. D’autres évoquent autre chose que ce qu’on a voulu dire. Ils sont intrinsèquement biaisés : quelques minutes de zapping sur les chaînes satellitaires suffisent à le démontrer. Devons-nous dire « Israël », l’« entité sioniste », la « Palestine occupée » ? « Intifada », « nouvel Holocauste » ou « lutte d’indépendance » ? Ce bout de terre est-il « contesté » ou « occupé », et doit-il être « donné » ou « rendu » ? Est-ce une « concession » quand Israël remplit une obligation figurant dans un traité qui a été signé ? Est-ce qu’il y a « négociation » entre Israéliens et Palestiniens, et si c’est le cas, quelle est la marge de manœuvre des Palestiniens sachant que le terme « négociation » implique des concessions mutuelles entre deux parties plus ou moins égales ?

Il n’y a pas de mot neutre. Quel vocabulaire adopter, alors ? Pas facile d’écrire une dépêche de ce type : « Aujourd’hui en Judée et Samarie/dans les territoires palestiniens/dans les territoires occupés/dans les territoires disputés/dans les territoires libérés, trois Palestiniens innocents/terroristes musulmans ont été éliminés préventivement/brutalement assassinés/tués par l’ennemi sioniste/par les troupes d’occupation israéliennes/par les forces de défense israélienne. » Ou, sur l’Irak : « Aujourd’hui, les croisés sionistes/troupes d’occupation américaines/forces de la coalition ont attaqué des bases de la résistance musulmane/des terroristes/des cellules terroristes ».

La culture occidentale est optimiste : lorsque vous identifiez un problème, vous êtes prié de proposer simultanément une solution. Mais comment sortir de ce marécage linguistique, sauf peut-être à reconnaître plus ouvertement les partis pris et les filtres inévitables de tout travail journalistique, et à mettre un terme à la tromperie de slogans issus du marketing ? Nous rapportons les faits, vous décidez, d’accord. Mais nous décidons ce que vous voyez et comment vous le voyez.

Pourtant, il y a une catégorie de mots pour lesquels les médias occidentaux pourraient faire mieux. Pourquoi un juif qui réclame la terre qui lui a été donnée par Dieu est-il un « ultranationaliste », alors qu’un musulman qui tient le même raisonnement est un « fondamentaliste » ? Pourquoi un dictateur arabe qui choisit une politique différente de celle des Occidentaux est-il « antioccidental », alors que cette étiquette n’est jamais appliquée dans l’autre sens ? Imagine-t-on un leader américain qualifié de « radicalement antiarabe » ? Un responsable politique israélien qui croit que seule la violence peut protéger son peuple est appelé un « faucon ». A-t-on jamais entendu parler d’un « faucon » palestinien ? Non, c’est un « extrémiste » ou un « terroriste ». Les responsables israéliens qui croient au dialogue sont des « colombes ». Pourtant, un Palestinien qui choisit la même voie est appelé un « modéré », ce qui laisse entendre que, bien que la violence soit logée dans le cœur de chaque Palestinien, celui-là est parvenu, grâces en soient rendues à Allah, à « modérer » sa nature profonde. Et pendant que le Hamas « hait » Israël, aucun parti ou leader israélien n’a jamais « haï » les Palestiniens, même quand ces dirigeants profitent de leur fauteuil gouvernemental pour prôner leur expulsion. A moins qu’il ne s’agisse d’un « nettoyage ethnique » ? Ou d’un « déménagement involontaire » ? Ou d’un « transfert » ?

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